L’homme ou l’oignon

Rhhooo, la poisse. Rien ne fonctionne. Je rajoute un coussin, me tourne à gauche, avale un Fischerman Friend qui vendange les sinus, me retourne à droite, au milieu, enlève le coussin, me tartine de Vicks Vaporub pour la troisième fois… Mais non. Mon nez reste bouché et je ne peux pas respirer. Pourtant, je suis fatiguée et ma seule envie, c’est de dormir. DORMIR !!! Ce n’est pas ce minuscule virus insignifiant qui va réussir à m’enlever l’accès à mon oxygène vital. Je respirerai, et je dormirai. Le rhume pèse sur mon humeur, devenant légèrement amère. Je sais également que si je dors la bouche ouverte, non seulement ce sera la sécheresse, mais en plus, ma gorge sera irritée à mon réveil… et il n’y aura pas que ma gorge… Que puis-je faire pour retrouver le souffle de vie ?

Bien sûr ! Mon amie « La Cacahuète » – une belle blonde aux yeux bleus qui parle avec des vrais mots, pas une arachide qui me transmettrait des voix dans ma tête – m’a toujours dit :

– Ben… Dors avec un oignon !

Evidemment ! Préférant en temps normal dormir avec mon homme, je décide de virer ma cuti. La survie prendra le dessus sur le confort et l’amour. Demandant à l’un d’aller me chercher l’autre (je ne vais pas me lever, tout de même), le mâle arrive quelques minutes plus tard, une petite assiette à la main, contenant quatre quarts du bulbe si convoité.

Plongeant mon nez à l’intérieur, je sens… rien du tout. Ce serait pareil s’il m’avait rapporté un bâton de cannelle ou l’œuf devenu kiwi vert et poilu au fin fond du frigo. Tant pis. Je fais confiance à la Cacahuète : le coup de l’oignon, ça a marché à chaque fois… jusqu’à aujourd’hui du moins. Il s’agit tout de même de ma dernière chance. Au pire, une fois devenue fantôme, j’irai hanter cette-amie-qui-est-censée-me-vouloir-du-bien, toutes ses nuits… qu’elle soit elle-même avec homme ou herbacé dans son plumard.

Désirant mettre toutes mes chances du côté de l’oignon, je me retourne, dos à l’homme. Et tout gentiment, le miracle se produit, encore une fois. Les doux effluves de cette plante odorante libèrent peu à peu le barrage muqueux de mes fosses nasales. L’air passe à nouveau et je m’endors donc dans les bras de cette belle plante.

Au matin, je bénis Dieu et ses oignons, ainsi que toutes les cacahuètes du monde. Ce légume m’a dégagé mon nez, me permettant de passer une belle nuit de sommeil (pas comme avec l’homme… où je suis obligée de dégager moi-même lorsque son nez se met à ronfler).

Malheureusement, une exception mettant toujours fin aux choses qui pourraient être simples, ma sœur a trouvé les limites de ce merveilleux remède au sein de sa famille doublement nombreuse :

– Mon numéro 5 a la crève, il dort pas et je suis crevée.

Alors, arrivant telle la grande héroïne avec une baguette magique :

– Ben… Fais-le dormir avec un oignon !

Mais là, le choc :

– Ca marche pas.

Le blanc, l’incompréhension, ma vie qui s’écroule. Mon neveu aurait-il un système immunitaire venu d’un autre monde ? Pourquoi ? Comment ?

– Il le bouffe.