Net(te) panique!

 

–     Non, Morgane, je ne veux pas que tu ailles sur Internet sans moi.

–     Mais, maman, tout le monde le fait !

–     Je regrette, mais sans la présence d’un adulte, ce n’est pas négociable.

Maman n’a pas l’air de rigoler. Je ne comprends pas qu’elle se montre si rigide par rapport à ça. Tous les copains regardent des vidéos sur Youtube ; je ne vois pas le souci.

–     Maman, s’il te plaît, les autres de la classe vont sur le Net et moi, je suis toujours à la ramasse parce que je ne peux jamais participer à leurs discussions…

Maman pose son café, joint les mains et me regarde de ses yeux verts étincelants :

–     Morgane, écoute-moi. Tu as raison. Internet, c’est vraiment génial : on peut découvrir une foule de choses, on a accès à toutes les informations possibles et imaginables. Mais le revers de la médaille, c’est qu’il s’agit là d’un outil également très dangereux. J’aimerais vraiment que tu aies conscience des dangers avant d’utiliser ça toute seule… que tu développes ton propre sens critique, tes propres opinions, tes idées à toi avant de passer ton temps à regarder ce que pensent les autres… et visionner des vidéos sans but précis.

–     Mais je suis déjà capable d’avoir mon propre avis personnel : je ne suis pas d’accord avec toi. Tu vois ?

Elle ne bronche pas. Contre maman, il me sera difficile d’avoir gain de cause. Je sais pertinemment qu’il ne me servira à rien non plus d’essayer avec papa… Ils tirent malheureusement tous les deux à la même corde.

Pourtant, je ne comprends pas le problème : assise dans le salon, je ne risque rien. Pourquoi ne serais-je pas en sécurité ? Que pourrait-il m’arriver ? Si je tombe sur un site ou des images qui me font peur, je n’ai qu’à fermer la page. Ces histoires d’adultes me saoulent… d’autant plus que les parents des autres sont plus cool… (en tout cas sur ce sujet !)

Sachant que notre discussion ne m’apportera aucune solution satisfaisante, je décide de lâcher l’affaire… momentanément.

–     Tu fais un jeu avec moi ?

Mon petit frère Bastien arrive au bon moment.

–     Oui, c’est une bonne idée. On fait une partie de « Städtetour » ?

–     D’accord. Je vais le chercher.

Quelques secondes plus tard, mon frère se pointe, un carton jaune sous le bras. Pourquoi n’ont-ils pas proposé cette boîte avec un titre en français ? Bon, ce n’est pas si grave : le jeu est sympa et les règles sont heureusement rédigées dans plusieurs langues. On place le pion en forme de bus sur une case et on tire chacun une carte. Je devrai déplacer le bus jusqu’en Turquie. Pas de bol : il se trouve actuellement tout près de l’Irlande. Je suis certaine que Bastien va gagner ce premier tour ! C’est un chanceux, lui. Je vais encore avoir droit à sa danse spéciale de la victoire… ça promet.

Ce soir, en m’allongeant dans mon lit, je repense néanmoins à ma déception concernant Youtube. N’ayant pas réussi à convaincre maman, je prends cela comme un échec personnel, et ça me fâche. Afin d’être un peu plus calme pour tenter de m’endormir, je lis quelques pages d’une enquête de Maëlys. Eh bien elle, elle a vraiment de la chance de vivre en ville et de pouvoir sortir comme elle veut. Moi, au contraire, je me sens coincée.

Bon… apparemment, lire ne parvient pas à me libérer l’esprit. Je m’endors donc sur ces pensées emplies de rancœur.

Ce matin, en partant pour l’école, je discute avec mon amie. Sarah rajoute une couche à ma frustration en me parlant d’une vidéo sur Snapchat. En voyant ma mine renfrognée, elle me lance :

–     Tu ne voudrais pas demander un natel pour Noël ?

–     Ben si, je réponds. Mais mes parents ne sont pas d’accord. Ils disent que je pourrai en avoir un quand j’aurai des sous pour payer l’abonnement de téléphone.

–     Demande à ta marraine, ou à tes grands-parents !

–     Ça ne change rien ! Ils en parleront forcément à mes parents avant.

–     T’as pas de bol.

–     Je sais.

La journée en classe se passe finalement très bien. Loin de toutes ces préoccupations électroniques, je m’adoucis un peu… pas pour longtemps, cela dit. En effet, après l’école, je rentre à la maison avec un bon résultat à montrer, mais aussi avec une mauvaise humeur évidente. Maman la remarque immédiatement.

–     Eh bien, Morgane, qu’est-ce qu’il se passe ? Tu n’es pas contente de ta note ?

–     Si.

Maman réfléchit un instant…

–     C’est encore cette histoire d’Internet ?

–     Non… Enfin, si.

Je ne sais pas comment elle fait, maman. Elle est super forte pour deviner les choses.

–     Tu sais, je te comprends. Ce n’est pas facile de voir d’autres faire ou avoir ce que nos parents nous interdisent. J’ai aussi vécu ça, étant petite. Mais finalement, j’ai compris qu’ils agissaient pour mon bien, qu’ils voulaient seulement me protéger.

–     …

 

C’est toujours l’excuse des parents : « C’est pour ton bien ! ». Que répondre à ça ?

  1. Bon. Je décide d’obéir. Par contre, j’attends d’elle des explications plus claires et précises.
  2. D’accord, je n’ai pas envie d’avoir de problème. Pour l’instant. Malgré tout, je n’ai pas dit mon dernier mot. Je suis vraiment fâchée!
  3. Ca m’énerve. Je trouverai un moyen d’aller sur Internet sans que mes parents le sachent.

 

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